El tiempo - Tutiempo.net

Les nationalisations furent légales et les États-Unis le savent

  • Published in Cuba
  • Hits: 724
ley revolucionaria nacinaliDans une affaire sans précédent concernant Cuba, la Cour suprême des États-Unis statua le 23 mars 1964, à New York, que les tribunaux étasuniens se devaient de reconnaître la validité des nationalisations de biens nord-américains effectuées par le gouvernement révolutionnaire de Cuba.
 
Cette décision faisait suite à une action en justice intentée par la Banque nationale de Cuba contre le représentant d'une sucrerie, dont les anciens propriétaires réclamaient le montant de la vente d'une cargaison de sucre vendue par un courtier de New-York. L'affaire est connue comme « Banque nationale de Cuba contre Sabbatino ».
 
Tout a commencé lorsque la société Farr, Whitlock & Co. commanda une cargaison de sucre pour un client au Maroc, d'une valeur de 175 250 69 dollars, à la société Vertientes-Camagüey de Cuba Sugar Company. Le contrat prévoyait, entre autres accords, que le chargement du sucre serait payé à New York, sur présentation du connaissement, un document maritime qui certifie que la cargaison se trouve à bord d'un navire, prête à être livrée.
Le 6 août 1960, au moment de la nationalisation des compagnies nord-américaines implantées à Cuba, dont la Vertientes-Camagüey de Cuba Sugar Company, la cargaison de sucre en question était arrimée à bord du navire SS Hornfels, dans le port de Santa Maria, Jucaro, Cuba.
 
Les courtiers de Farr, Whitlock & Co, signèrent le 11 août un nouveau contrat, similaire au précédent, mais cette fois avec la Bancec (Banque pour le commerce extérieur), représentant le gouvernement cubain, pour l’émission d’un nouveau connaissement qui permettrait au navire de prendre la mer, et qui reconnaîtrait Cuba comme propriétaire du chargement.
 
Le 12 août, le navire appareilla pour Casablanca, au Maroc et les courtiers encaissèrent la vente du sucre. Cependant, ceux-ci s’abstinrent d’honorer leur engagement envers Cuba et refusèrent de transférer l'argent à la banque.
 
Parallèlement, Farr, Whitlock & Co fut notifiée de la nomination de Peter I.F. Sabbatino en tant que dépositaire judiciaire par la Cour suprême de l'État de New York, pour représenter et administrer les actifs de la Vertientes-Camagüey de Cuba Sugar Company, qui réclamait le produit de la vente du sucre nationalisé.
 
La Cour suprême de l'État de New York ordonna également que l'argent remis à Sabbatino soit déposé dans une banque jusqu'à ce que sa destination finale soit déterminée par la Cour elle-même. Face à cette situation, la Banque nationale de Cuba, représentée par le Cabinet d'avocats Rabinowitz et Boudin, poursuivi en justice Farr, Whitlock & Co, pour conversion ou appropriation illicite du produit de la négociation, et contre Sabbatino, afin qu’il restitue les fonds à la banque.
 
Les trois parties concernées, la Banque nationale de Cuba, Sabbatino et Farr, Whitlock & Co, se lancèrent alors dans une série de demandes et de demandes reconventionnelles. Le juge Dimock, de la Cour fédérale du district sud de New York, chargé de l’affaire, se prononça contre Cuba en examinant si, à la lumière du Droit international, la loi de nationalisation pouvait être considérée comme valide.
 
APPEL CONTRE LA DÉCISION DU JUGE DIMOCK
 
Les avocats du cabinet Rabinowitz et Boudin présentèrent un recours contre Dimock, le 28 août 1961, devant la Cour d'appel du deuxième district de New York. Le jugement fut largement contesté sur deux points essentiels :
 
Tout d’abord, les décisions d'un gouvernement étranger ne peuvent être valablement jugées par nos tribunaux, même si elles violent le Droit international. Et en deuxième lieu : les actes du gouvernement n’étaient pas contraires au Droit international.
 
Lors de l'audience publique tenue le 3 janvier 1962, la Cour d'appel se saisit du dossier Sabbatino et rendit son jugement le 6 juillet de la même année.
 
La Dr Olga Miranda souligna : « Dans son arrêt, la Cour a estimé que le gouvernement de Cuba avait fait preuve de discrimination à l'égard des ressortissants étasuniens et que, le Décret d'expropriation ne prévoyant pas une indemnisation adéquate et ayant un caractère de représailles, cette décision devrait être considérée comme une violation des normes du Droit international. » Elle confirma donc la sentence prononcée par la Cour du district de New York.
 
Le pourvoi en cassation fut présenté le 29 août 1963. Les arguments de la Cour du district furent démontés et réfutés, de façon claire et précise, par les experts du cabinet d'avocats Rabinowitz et Boudin, dans un document de dizaines de pages.
 
La Dr Miranda signale : « Le 23 mars 1964, après presque quatre ans de procès, la Cour suprême de justice des États-Unis s’est prononcée sur l'appel interjeté par la Banque nationale de Cuba, avec un vote favorable de huit contre un. Une fois rappelés les faits et toutes les démarches menées par les parties tout au long de ce lent procès, démarré en août 1960, la sentence a considéré les questions de droit présentées devant les plus hautes juridictions des États-Unis ».
 
« … loin d'examiner la question de la doctrine de l’Acte d’État souverain, elle se penche sur deux questions d’exception : la première, celle de la contestation à laquelle le requérant (la Banque nationale de Cuba) a été soumis, qui en tant qu'agent du gouvernement cubain, ne devrait pas avoir accès aux tribunaux des États-Unis, Cuba étant un pays hostile, (...) citant les exemples de rupture des relations, d'état de guerre, de non-reconnaissance et le principe général de la courtoisie existant entre États en matière judiciaire, la Cour suprême a conclu en affirmant que "l'accès à nos tribunaux fédéraux n'est pas interdit au requérant" ».
 
« La deuxième exception se référait au plaidoyer des requérants selon lequel "Cuba avait exproprié de simples droits contractuels situés à New York et que, par conséquent, la légalité ou non de l'expropriation était régie par les lois de cet État", ce dont ils déduisaient à leur tour que si l'expropriation ne concernait que les sucres, alors le litige était devenu un différend dans lequel le droit public d'un État étranger devait primer, de sorte que les tribunaux nord-américains ne pouvaient se saisir d’un tel dossier, en se fondant sur le principe qu'un tribunal d'un pays n'est pas nécessairement tenu d'entendre et de donner effet aux lois pénales ou fiscales d'autres pays.
 
« En abordant cette autre question exceptionnelle ou incidente, la Cour suprême a conclu que faire valoir les droits acquis par Cuba du fait des nationalisations ne pouvait dépendre non pas de la doctrine invoquée par les requérants, mais plutôt de la doctrine de l'acte souverain de l'État lui-même, qui était précisément la question principale qui serait définitivement réglée dans le jugement lui-même.
 
« Après avoir tranché ces deux questions d'exception, aléatoires par rapport à la question principale, la Cour suprême est entrée pleinement dans l'analyse et la discussion de la doctrine de l'acte souverain de l'État, qui est le nœud gordien de l'ensemble du différend.
 
« La Cour suprême a décidé ce qui suit : Tout État souverain est tenu de respecter l'indépendance de chacun des autres États souverains, et les tribunaux d'un pays ne doivent pas juger les actes de gouvernement d'un autre pays produits sur son propre territoire. La réparation des griefs résultant de tels actes doit être obtenue par les voies ouvertes dont disposent les pouvoirs souverains dans leurs relations mutuelles. »
 
Le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Sabattino a été publié en mars 1964, et il devenu définitif le 20 avril de la même année. Toutefois, à compter du 2 juillet, la Commission des affaires étrangères du Sénat a introduit dans la Loi d'aide à l’étranger un amendement présenté par le sénateur républicain Bourke B. Hickenlooper, qui a annulé la décision de la Cour suprême dans l'affaire Sabbatino.
 
Sources :
« Les nationalisations, les tribunaux nord-américains et l'Amendement Hickenlooper », Dr Olga Miranda, Revue cubaine de Droit, N° 12, 1997.
 
/Granma