Cuba: Le système électrique national pourra-t-il se rétablir complètement (IV et fin)
- Écrit par Dilbert Reyes Rodriguez
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Le ministre de l'Énergie et des Mines, Vicente de la O Levy, a expliqué à Granma que les nouveaux investissements destinés à accroître la production d'électricité s'accompagnent d'un plan visant à assurer leur entretien et à faire progresser l'infrastructure d'autres sources renouvelables, telles que l'énergie éolienne et l'hydroélectricité.
Entre cette année et le début de l'année prochaine, le montage de 33 éoliennes devrait être achevé. Photo: José Manuel Correa
Personne ne s'habitue à une panne d'électricité et quiconque grince des dents – au minimum – lorsque l'électricité est coupée. Résister, ce n'est pas rester impassible.
Cependant, s’il y a un point positif dans ce que l'on appelle résilience, c'est ce sixième sens qui « s'aiguise », lorsque l’on tente de résoudre les crises en inventant des solutions, l’une après l’autre.
Il y a aussi un point négatif : dans l'urgence de « résoudre », nous utilisons des « pansements » qui durent trop longtemps, si bien que le problème devient chronique lorsque nous trouvons une solution provisoire et que nous allons gérer une autre crise, pour revenir à la première « blessure » lorsque les points de suture craquent.
Nous, les Cubains, sommes diplômés en causes, culpabilités et récriminations, et parfois le diagnostic et l'explication ne sont pas d'un grand secours. Cependant, si se serrer la ceinture signifie, à un moment donné, enlever un financement à un projet immédiat pour investir dans une solution durable, alors nous gagnons une bataille.
C'est vrai, c'est facile à dire... mais personne ne s'habitue à vivre dans l’obscurité.
C'est tellement agréable de voir cette immensité de vitres bleues que sont les parcs solaires photovoltaïques au milieu de la campagne. Le problème, c'est que, habitués à rafistoler les masses de fer rouillé et graisseux des vieilles centrales thermoélectriques, cela nous inquiète de penser que nous ne disposerons pas des moyens d'entretenir ensuite un investissement aussi « raffiné et moderne ».
Disposerons-nous, à temps, des moyens de remplacer les panneaux endommagés, la batterie défectueuse, la pièce pour éviter la surexploitation irréversible de la centrale thermoélectrique reconstruite ou totalement réparée ?
Au terme de la conversation avec Granma, Vicente de la O Levy, ministre de l'Énergie et des Mines, a assuré qu’il existe un plan de durabilité pour ce qui est installé en ce moment, et qu'il a été pensé d'une manière beaucoup plus complète.
– Dans le cadre des contrats d'importation, il y a un pourcentage élevé de pièces de rechange : par exemple, un nombre supérieur de panneaux pour chaque parc éolien installé, également des onduleurs de rechange, des cartes électroniques...
Nous avons récemment discuté avec nos collègues du centre des Sources d’énergie renouvelables (FRE) du fait que, comme nous l'avons fait pour la production distribuée, nous devons également ouvrir des centres de formation et des ateliers de réparation de haute technologie ; ils se trouvent, aux environs de la Cujae (université technologique de la Havane), dans ce magnifique bâtiment qu'on appelle Centre d’entraînement Hyundai.
Le centre de formation FRE est installé, mais nous devons également disposer de centres de réparation de haute technologie pour les composants électroniques et électriques utilisés dans les parcs solaires photovoltaïques. Il ne s'agit pas seulement d'assembler les parcs… et c’est tout.
Outre le fait que les pièces de rechange sont incluses dans le contrat, nous achetons du matériel, de nouveaux équipements, notamment des machines à laver les panneaux, des machines de jardinage, tout ce matériel est en train d'arriver...
– Y compris pour les parcs déjà installés de 4,4 et 2,2 mégawatts (MW) ?
– Effectivement, même pour ceux qui fonctionnent depuis de nombreuses années.
– Existe-t-il une perspective pour Cuba de développer une capacité de production de panneaux et de récupérer, par exemple, l'usine de Pinar del Rio ?
– Oui, bien sûr. Quel est le problème pour Pinar del Rio ? C'est une usine qui produisait annuellement jusqu’à 15 MW en assemblage, qui achetait la menuiserie, l'aluminium, la cellule, le verre, tous les matériaux, elle assemblait, et c'était une bonne installation... ».
– Quinze mégawatts, ce n'est pas négligeable....
– En effet, mais que se passe-t-il ? Ce sont des technologies qui changent très vite. Je me souviens que l'on y produisait principalement des panneaux de 250 watts, voire de 300 watts, mais, en matière de performance, les panneaux sont aujourd'hui de 600, 800 ou 900 watts dans le monde, ce qui entraîne d'importants changements technologiques dans les usines.
Par exemple, dans la ligne de production qui assemble les panneaux, l'équipement qui simule l'illumination du soleil, pour vérifier si le panneau génère ce pour quoi il a été conçu, doit avoir les dimensions du panneau, si bien que si les panneaux ont changé de dimensions, et que les indicateurs d'efficience et de puissance sont différents, cet équipement devient trop petit. Or, il coûte des millions de dollars, et l'usine est donc dépassée...
– Mais il y a d'autres perspectives, des panneaux isolés, par exemple ?
– Récupérer des panneaux, parce qu'ils se cassent, et faire des applications d'énergie renouvelable dans cette usine, ou quatre panneaux et une petite pompe à eau, ou un équipements pour charger des téléphones, ou des motos électriques. À Cuba il y a plus de 300 000 motos électriques qui se chargent à partir du Système électrique... Bref, cela génère beaucoup plus de valeur ajoutée.
– Autrement dit, il ne s'agit pas d'un projet paralysé ?
– Pas du tout, et dans le cadre du grand projet, nous avons prévu de moderniser l'usine, afin qu'elle puisse contribuer à la recharge des voitures électriques.
– Des investissements sont-ils prévus pour développer cette année la production à partir du gaz naturel qui a été si efficace et rentable ?
– Oui, nous avions foré deux puits avec lesquels nous avons pu fournir suffisamment de gaz pour ajouter environ 100 MW depuis la centrale Energas. En fait, nous avons encore la capacité de produire un peu plus.
– Plus de 330 MW ?
– Il faut dire qu’ aujourd’hui, nous produisons déjà plus de 330 MW.
– Et combien peut-on encore ajouter, avec la capacité installée ?
– Environ 30 MW de plus, grâce à un autre puits que nous allons forer cette année.
– À propos de l’énergie éolienne, existe-t-il également des projets visant à mieux exploiter le vent ?
– En effet. On sait que les travaux du parc éolien Herradura 1, à Las Tunas, ont été interrompus du fait du non-paiement de dettes. Cependant, tout ce matériel se trouve à Cuba, et dans cette négociation des 1 000 MW, nous avons intégré la fin des travaux à Herradura.
Nous respectons les remboursements, l'assistance technique est arrivée, il existe un calendrier pour l'expédition du matériel en attente, qui n’est pas très important, et pour la mise en service de chaque éolienne. Nous pensons que cette année, les éoliennes fonctionneront et que nous terminerons le premier trimestre de l'année prochaine avec tout ce qui est en attente.
– Selon le directeur de l'Union électrique, 22 des 33 générateurs prévus ont été installés, ce qui représente 33 MW.
–Exactement, ces 33 MW de production d'énergie éolienne doivent être complétés.
– Y a-t-il d’autres perspectives pour ce type de production ?
– Tout à fait. Dans notre conception du projet, nous avons décidé de commencer par l'énergie solaire, parce que l'énergie éolienne est un processus d'investissement très coûteux, qui prend plus de temps, et il est plus coûteux de le maintenir, parce que ce sont des équipements qui travaillent, alors que le panneau solaire ne travaille pas, c’est un objet statique.
Il est vrai que l’éolienne produit plus que le panneau solaire. Pourquoi ? Parce que le panneau fonctionne quand il y a du soleil, et que l'éolienne fonctionne de jour comme de nuit, tant qu'il y a du vent. De plus, la puissance des éoliennes est beaucoup plus importante.
– D’un mégawatt par éolienne ?
– Et plus encore. Il existe déjà des éoliennes de 2 MW, 3 MW dans le monde. D'autres, encore plus grandes, ne sont pas encore commercialisées, mais sont en projet, notamment en mer du Nord, avec des éoliennes de cinq et six mégawatts. Mais nous avons décidé de commencer à Cuba avec l'énergie solaire.
– Permettez-moi de m'attarder sur la question de l'hydroélectricité. Cuba a disposé, surtout dans les zones isolées, d'une infrastructure assez stable de micro et de mini centrales hydroélectriques, des petites centrales hydroélectriques et, bien sûr, de la centrale hydroélectrique d’Hanabanilla, dont vous avez expliqué qu'elle était décisive pour la stabilisation du Système électrique. Ce réseau s'est-il détérioré ? Dans quel état se trouve-t-il aujourd'hui ?
– Il y a environ 170 unités de production hydroélectrique dans le pays qui ont un niveau de disponibilité qui n'est pas négligeable.
Oui, il y en a certaines parmi les plus importantes, par exemple de 800 kilowatts (KW), 500 KW, dont il faudrait changer certaines pièces, mais cela a été un grand succès, surtout parce que les personnes qui en bénéficient directement en prennent soin, s'en occupent.
Lors d’une analyse récente, nous avons calculé que nous avions besoin d'environ 700 000 dollars pour l’achat de pièces de rechange. Or, imaginez-vous, il y a plus de 170 unités dans le pays, et 700 000 dollars, c’est peu, parce que l’une des petites centrales avait besoin à elle seule un demi-million de dollars. Le reste, c’est du petit matériel : des courroies, des roulements, mais la vérité, c'est que le niveau de disponibilité est élevé, et que cela dessert de nombreux foyers dans le pays.
– Ce n'est donc pas un front que vous avez négligé ?
– Non, ce n'est pas le cas, bien au contraire.
– Est-il prévu d'étendre ce réseau ?
– Oui. Même maintenant, avec le matériel du parc éolien de Herradura 1, il arrive du matériel pour terminer la petite centrale hydroélectrique du barrage d'Alacranes, des travaux d’investissement qui étaient en attente.
– Dernière question. Avec tous ces investissements, dans quelle mesure le changement de la matrice énergétique de Cuba sera-t-il en avance sur l'engagement d'atteindre une production électrique de 24 % à partir des sources d’énergie renouvelables d'ici 2030 ?
– Cet objectif est atteint et même dépassé. Officiellement, nous avons prévu une production de 24 %. Disons simplement que ce chiffre sera dépassé... et de loin.
– Monsieur le Ministre, je vous remercie de m’avoir accordé cet entretien.
(Source : Granma)