La malédiction de la suie
- Écrit par Ventura de Jesus, Granma
- Published in Cuba
- Hits: 555
Le personnel spécialisé, les travailleurs, les dirigeants et la population ont montré leur totale solidarité durant les opérations de sauvetage après l'accident à la centrale thermoélectrique Guiteras, à Matanzas.
Le processus de sauvetage des victimes de l'effondrement du mur à l'intérieur de la cheminée de la centrale thermoélectrique Antonio Guiteras a été un défi pour le personnel de sauvetage et de secours, du fait de l'environnement hostile.
Somme toute, la cheminée de la centrale thermoélectrique Antonio Guiteras n'est pas aussi grande qu'elle le paraît. Avec son imposante hauteur de 110 mètres, elle a fini par se plier à la volonté des sauveteurs.
« Ne vous inquiétez pas, messieurs les journalistes, en un instant, nous allons le retrouver », a déclaré Yoamel Santana Perdomo, technicien de sauvetage des pompiers de Matanzas, tout en regardant le sommet de la tour qui, 30 heures plus tôt, avait englouti le corps de Lazaro Frank Montero Pita, âgé de 57 ans.
Il fallait croire ce sauveteur expérimenté, un jeune homme dont le nom figure sur la liste de ceux qui s’étaient battus pour sauver les leurs lors de l'accident de l'hôtel Saratoga et à la base de superpétroliers.
Sa combinaison entièrement recouverte de cendres, ses yeux irrités et striés de rouge témoignaient de la contamination environnementale.
« Nous avons réussi à localiser deux des ouvriers et à les sortir vivants, mais ce que nous avons surtout fait, c'est enlever les décombres de la cheminée. C'était épuisant. Hier, j'ai à peine pu me reposer un instant et je n'ai même pas enlevé mes bottes », avoue-t-il.
Il était déjà près de 18 heures, samedi soir, et les recherches fébriles menées par les sauveteurs et le personnel de la Croix-Rouge pour retrouver le dernier travailleur coincé dans la cheminée étaient sur le point de s’achever.
Le travail de cisaillement d'un équipement spécialisé a permis de retirer la plupart des décombres et la suie qui recouvrait cette partie de la cheminée, appelée le « cendrier ». Une contribution importante pour faciliter le sauvetage.
SANS UNE SEULE PLAINTE
Suite à l'effondrement d'un mur de séparation de sept mètres de haut, quatre ouvriers de l'Entreprise de construction et de montage spécialisé ont été ensevelis dans la partie inférieure de la cheminée de la centrale thermoélectrique Antonio Guiteras, où ils effectuaient des travaux de nettoyage dans le cadre de l'entretien de ce bloc thermique.
Les forces de secours, qui se sont immédiatement rendues sur place, ont réussi à sauver deux d'entre eux, Maikel Lopez Navarro et Angel Dioris Pérez Montoya, après les avoir dégagés des décombres du mur de briques réfractaires qui s'était effondré, et surtout des gaz et des émissions du combustible brûlé dans le « cendrier ».
Dixan Garcia Moraga et d'autres membres de la brigade de soutien de l'Entreprise de maintenance des centrales thermoélectriques nettoyaient une zone de la chaudière lorsqu'ils ont été surpris de voir autant de personnes courir.
« Nous sommes immédiatement descendus et nous avons été chargés d'aider à l'enlèvement des décombres. Je suis monté dans cette section de la cheminée avec le deuxième groupe et j'y suis resté pendant environ deux heures. Nous avons fait une chaîne pour nous passer les seaux de l’un à l’autre. Il y avait de la suie partout, peu de visibilité et nous pouvions à peine respirer.
« Le plus étonnant, c'est que personne n'a voulu partir au moment de la relève. Je n'ai entendu aucune plainte, mais tout le monde déplorait ce qui s'était passé et le sort de nos compagnons. Lorsque je suis descendu, j'ai été heureux de trouver dans mon téléphone de nombreux messages de parents et d'amis, qui exprimaient leur inquiétude et de constater que le nombre de personnes prêtes à aider avait augmenté. »
Au cours de ces heures de dur labeur, au milieu du défi imposé par l'incertitude sur le sort des ouvriers accidentés et la nuisance des gaz polluants, la participation du Groupe spécialisé dans les opérations de secours de la Croix-Rouge de la province, dirigé par Judith Rodriguez Reyes, et composé, en outre, d'autres femmes, a été déterminante.
« Notre travail est très difficile et très risqué, toujours dans des scénarios compliqués, mais rien n'est plus satisfaisant que de remettre une personne vivante à sa famille. C'est la meilleure chose qui puisse se passer, même si parfois, comme cette fois-ci, il y a eu deux décès », a-t-elle déclaré.
Et d’ajouter que dans l'équipe de 25 personnes, il n'y a pas de frontières entre les hommes et les femmes. Ils se relaient simplement, tout en précisant que plusieurs d'entre eux ont été blessés par les flammes lors de l’accident de la base des superpétroliers.
LA SOLIDARITÉ À NOUVEAU
Alors que cela se passait à l'intérieur de la centrale thermoélectrique et que des dizaines de personnes unissaient leurs forces pour sauver ces travailleurs, victimes du hasard ou d’une quelconque négligence – on ne sait pas encore –, les démonstations de solidarité se sont multipliées.
Le Premier secrétaire du Comité central du Parti et président de la République, Miguel Diaz-Canel Bermudez, a adressé un message d'encouragement au peuple cubain qui suivait les nouvelles de l'accident.
« Nous sommes au courant de l'accident qui s'est produit à la centrale Guiteras et nous sommes en communication constante avec les autorités de Matanzas. Tout a été mis en œuvre pour le sauvetage des travailleurs. Nos sauveteurs et nos pompiers déploient de grands efforts. Une fois de plus, Cuba est avec Matanzas », a écrit le chef de l'État sur Twitter.
Le président cubain a déploré la mort des deux travailleurs – Lazaro Frank Montero Pita et Alexis Bernardo Labrada Junco – et a adressé ses condoléances à leur famille, aux amis et aux collègues de travail, ainsi qu'une gerbe pour accompagner les honneurs funèbres.
Les survivants de l'accident ont été immédiatement transportés à l'hôpital provincial Faustino Pérez pour y recevoir des soins médicaux. Selon Taymi Martinez Naranjo, directrice de l'hôpital, leur état de santé, y compris celui du troisième qui a tenté d'aider ses collègues, s'est stabilisé et leur vie n'est pas en danger.
L'ÉQUIPEMENT « MIRACLE »
Face au danger d'effondrement et à l'importance des décombres qui entravaient les travaux de recherche, la prudence exigeait de faire appel à un équipement spécialisé pour ouvrir, depuis l'extérieur, d'autres voies d'accès au site accidenté.
Selon le lieutenant-colonel Williams Gonzalez Hernandez, chef de la Défense civile de la Région militaire de Matanzas, la décision a été prise pour garantir l'intégrité physique des sauveteurs et faciliter le travail de sauvetage.
Et c'est ce qui s'est passé. En pénétrant à l'intérieur de la cheminée, les cisailles rotatives de l'équipement spécialisé, d'une portée allant jusqu'à 30 mètres, ont éliminé la suie incrustée depuis des années dans les parois de la tour. Expulsés vers l'extérieur, les gaz polluants étaient perceptibles à une distance considérable.
Quelque temps plus tard, les petites silhouettes des sauveteurs sont réapparues à l'intérieur du « cendrier », pour retrouver enfin le quatrième compagnon, victime de l'accident imprévu qui l'avait enseveli pendant près de 30 heures.
Il a été trouvé à l'endroit même où l'instinct de plusieurs sauveteurs l'avait localisé. Bon nombre d'entre eux savaient avec certitude l'endroit exact où il se trouvait.
Malgré les obstacles qui ont entravé les recherches, rien, pas même la majesté de la cheminée ou la maudite suie, n'a pu les empêcher de le retrouver. La volonté des sauveteurs et de tout un peuple s’est imposée.
Pour l'heure, il est réconfortant de savoir que le collectif de la centrale thermoélectrique Antonio Guiteras s'est engagé à terminer les travaux de maintenance, afin de commencer à contribuer au Système électrique national.